Séquence : s'ensauvager dans l'exposition temporaire Ici commence le chemin des montagnes, # Paysages

18 février 2021

Séquence : s'ensauvager dans l'exposition temporaire Ici commence le chemin des montagnes, # Paysages

Plus aucune parcelle de notre planète n’est vierge d’interactions avec l’humain. Pourtant nous rêvons toujours la montagne comme un antidote à la vie urbaine, et l’un des derniers refuges de « nature sauvage ». L'exposition temporaire Ici commence le chemin des montagnes, # Paysages propose de rendre visible, à sa singulière façon, la menace qui pèse de nos jours sur toutes les formes du vivant et notamment les animaux.

Nom
Séquence : s'ensauvager dans l'exposition temporaire Ici commence le chemin des montagnes, # Paysages

Adresse
Musée des Beaux-Arts de Pau, Rue Mathieu Lalanne, Pau, France

Téléphone
05 59 27 33 02

Tarifs
Entrée gratuite - port du masque obligatoire

Adresse email
musee.beauxarts@ville-pau.fr

Horaires
Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h. Fermeture le lundi. Suite aux annonces gouvernementales, le musée des Beaux-Arts de Pau est temporairement fermé au public.

« À moins qu'un animal, muet, levant les yeux, calmement nous transperce. » Rainer Maria Rilke, “Huitième Élégie de Duino”, 1972.

« Le tissu du vivant est une tapisserie de temps, mais nous sommes dedans, immergés, jamais devant », écrit Baptiste ­Morizot (“Manières d’être vivant”, 2020) pour rendre compte de l’étonnante diversité de toutes les « manières d’être vivant ».

S'ensauvager avec Pierre Bernard et les parcs nationaux

S'ensauvager avec Pierre Bernard et les parcs nationaux

EMBLÈME. Déambuler jusqu’à se perdre le long des entrelacs d’une cartographie complexe, grouillante de centaines de silhouettes de plantes et d’animaux… Dans le joyeux bordel d’un tourbillon sublime, toutes les variétés, toutes les espèces se mélangent et s’amalgament en une infinie déclinaison des formes du vivant. Rien de vraiment pyrénéen dans cette image, et pourtant tout y est. Art ou design ? Au fond, la question importe peu. Mais s’il existe une accointance secrète, qui ne se révélerait que par instants furtifs, entre image et magie, cette image pourrait bien y prendre part.

Les Parcs nationaux de France voulaient un logo. Pierre Bernard préférait parler d’emblème pour exprimer son ambition d’un signe graphique qui pourrait, à la limite, s’appliquer à tous les parcs nationaux du monde. Et il convoque deux images : la tapisserie de la “Dame à la Licorne” (vers 1500) pour ce qu’elle montre d’une relation apaisée entre humains et non humains, et la première photographie de la Terre dans son entier prise depuis Apollo 17 (1972), pour la forme de la spirale. « C’était une vision du monde très nouvelle pour tous ceux de ma génération. Et j’ai gardé une très grande tendresse pour cette image, parce que je sais que je suis dedans. » P. B.

On alors pourrait lire l’emblème des Parcs nationaux de France comme un précipité d’image, au sens où les chimistes emploient ce mot pour désigner un corps solidifié formé par réaction entre deux substances en solution…

Pierre Bernard (1942-2015) était l’un des graphistes majeurs de sa génération. Ardent défenseur d’un “graphisme d’utilité publique”, il obtient le prix culturel européen Erasmus en 2006. M+B

Pierre Bernard, Atelier de création graphique / Grapus, Emblème des Parcs nationaux de France, 1990.

S'ensauvager avec Jan Brueghel

S'ensauvager avec Jan Brueghel

ARCHE. Pièce emblématique du Musée des beaux-arts de Pau, “L’Entrée dans l’Arche” est l’un des tableaux les plus représentatifs de la peinture d’Europe du Nord. Son auteur, Jan Brueghel, dit de Velours, issue d'une dynastie d’artistes qui a fortement marqué la peinture flamande à la croisée des 16e et 17e siècles, aurait exécuté cette œuvre vers 1600. “L’Entrée dans l’Arche” laisse en effet apparaître une composition typique de l'artiste où tous les animaux de la création, heureux et libres, semblent vivre dans une parfaite communion. La taille de l’arche ainsi que sa place dans le paysage donnent un caractère anecdotique au célèbre épisode de la Genèse. Les personnages du récit, certains au second plan, d’autres, minuscules, au pied de l'arche semblent s'estomper à la faveur des figures animales. Cette peinture, à la dimension encyclopédique que lui confèrent la minutie et le détail de chaque espèce représentée, dévoile le style extrêmement raffiné de Brueghel. La subtilité des lumières, l'harmonie de ses dégradés et les teintes adoucies des feuillages vaporeux nous éclairent, à la vue de ce chef-d'œuvre, sur les raisons qui lui valurent le surnom dit “de velours”.

Jan Brueghel, L’Entrée dans l’Arche, huile sur bois, 1600.

Albert Gusi, “Intrusos” [Intrus], 2014, ensemble de 30 photographies / coll. de l’artiste

S'ensauvager avec Albert Gusi

INTRUS. Pour cette série qu’il a baptisée “Intrusos”, l’artiste Albert Gusi a sélectionné quelques-unes des images photographiques prises par les caméras automatiques installées pour suivre les déplacements de l’ours dans les forêts du Parc naturel de l’Alt Pirineu, en Catalogne. Plus de 24 000 photographies sont ainsi réalisées chaque année, mais les images dans lesquelles l’ours apparaît sont très rares. Dans la plupart des cas, ce sont des intrus : cerfs, isards, daims, chats sauvages, lièvres, écureuils, sangliers, chevaux, etc. L’artiste a choisi de récupérer ces images, habituellement éliminées, pour en faire, à sa façon, une sorte de “Salon des refusés”… 

Rosa Bonheur, Bourriquaires traversant les Pyrénées (vallée d’Aspe), 1857, Pau, Bibliothèque patrimoniale, non coté Eau-forte. Inspirée de “Muletiers espagnols traversant les Pyrénées”, huile sur toile, coll. part.

Bêler et Braire avec Rosa Bonheur

Avec son “Berger des Pyrénées donnant du sel à ses moutons” (1864), Rosa Bonheur a largement contribué à installer l’image pastorale d’une montagne idyllique et préservée, inspirée du paysage immortalisé par Jean-Jacques Rousseau dans “La Nouvelle Héloïse” (1761).

Rosa Bonheur a toujours adoré les moutons, et elle eut à cœur de les représenter fidèlement par la peinture. La critique fut unanime. Théophile Thoré par exemple, qui écrit dans le “Salon de 1846” :

« Le “Troupeau de moutons” de Rosa Bonheur donne envie de se faire berger, avec une houlette, une veste de soie et des rubans. » Ou encore A.-J. Dayot, le 3 juin 1848, dans “L’Illustration” :

« Il est impossible de mieux rendre la toison floconneuse, la laine imprégnée de suint …»

Les spécialistes reconnaîtront, dans le profil des trois moutons au dernier plan du “Berger des Pyrénées”, des bêtes de race basco-béarnaise, typiques des vallées d’Aspe et d’Ossau où Rosa Bonheur séjourna à plusieurs reprises dans les années 1850. Elle ne se contenta d’ailleurs pas d’y peindre des moutons, mais aussi des veaux, des vaches ou des troupeaux de mules comme dans ces “Bourriquaires [muletiers] traversant les Pyrénées” (vallée d’Aspe), présentés dans l’exposition au Musée des beaux-arts de Pau, dans une version admirablement gravée à Londres (1857).

Rosa Bonheur, Berger des Pyrénées (s.d.), détail, coll. Philippe Fermigier

Eau-forte inspirée du “Berger des Pyrénéedonnant du sel à ses moutons” (1864), huile sur toile, Chantilly, Musée Condé

Léon Barrillot, La vache brune, 1891, huile sur toile

Beugler et bêler avec Léon Barillot, Raymond Bracassat et Charles Jacque

Louis Ramond de Carbonnières (1755-1827) est parmi les premiers à décrire le monde pastoral, et s’il lui arrive de passer ses nuits à la belle étoile, il recherche le plus souvent l’hospitalité des bergers. Comme, par exemple, en ce mois d'août 1797, au fond de la vallée d’Estaubé, au cours de son premier voyage au Mont-Perdu : « Le lieu où nous nous trouvions est le plus haut où séjournent les bergers. On donne le nom de “couïlas” à ces stations passagères, et celle-ci s’appelle le couïla de l’Abassat-dessus. Nous y rencontrâmes deux pasteurs espagnols, du nombre de ceux qui hantent les pâturages les plus élevés de nos Pyrénées, pour y conduire leurs troupeaux voyageurs. Ces deux hommes étaient étendus à côté d’une hutte de pierres sèches, qui n’avait que les dimensions nécessaires pour les contenir assis ou couchés. »

Les bergers et pasteurs accueillirent donc ces étrangers, voyageurs venant découvrir les montagnes qui faisaient alors figure d’exception dans un monde exclusivement pastoral. Ils se firent guides et accompagnateurs pour leur permettre de découvrir ce qu’ils connaissaient depuis toujours… Aujourd'hui, la proportion entre montagnards et visiteurs s’est inversée, tout d’abord parce qu’en montagne comme ailleurs, la population paysanne a considérablement régressé, mais aussi parce que le tourisme sous toutes ses formes concerne aujourd'hui un nombre croissant d’adeptes. B/.

3 photos

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